Sauvetage de Jon, lion martyr d’un cirque en France
Mutilé, affamé, enfermé, transporté, dominé… Pendant toute sa vie, Jon n’aura connu que cela. Nous l’avons sauvé du cirque qui l’exploitait. Les mensonges répétés des services vétérinaires sont de plus en plus flagrants.
Jon est sorti de l’enfer, nous ne le laisserons jamais y retourner.
Mais combien d’autres y sont encore ?
Transfert de Céleste, Hannah, Marli et Patty en Toscane : l’épopée fantastique
Le 11 mai 2022, après un an et demi de soins et de convalescence, Céleste, Hannah, Marli et Patty coulent désormais des jours heureux au sanctuaire d’Animanatura, en Italie.
Les dernières années du lion Jon, la découverte du gout de la vie loin du cirque
Jon s’est éteint le 29 janvier 2022, loin du fouet et du camion du Cirque de Paris, près de deux ans après sa saisie.
La peau sur les os
Jon vient d’être sauvé, sa garde nous a été confiée par la Procureure d’Évreux et les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) de l’Eure que nous remercions de cette collaboration ayant débuté il y a 2 ans. Son état est pire encore que celui de lions captifs de zoos dévastés dans des pays en guerre. Pourtant, il vient bien d’un cirque en France !
Que fait la préfecture ?
Nous suivons leur calvaire depuis deux ans, et tout ce temps la préfecture, responsable du bien-être des animaux et de leur suivi régulier, n’a pas bougé. À la presse, la préfecture de l’Eure a dit le jour de la saisie que les animaux étaient en « bonne santé générale ».
Il reste quatre lionnes, anciennes camarades de bagne de Jon : Hannah, Patty, Céleste et Marli, aux mains du dresseur. Nous les avions, elles aussi, filmées dès 2018 jusqu’en mars dernier. Nous déposons plainte en leur nom !
Jon présente les stigmates des mutilations et des cruautés qu’il a subies des années durant, sans aucun répit. Son supplice est celui de tous les lions des cirques, majestueux animaux réduits à l’état de pantins auxquels on a ôté tout espoir. Et la législation, pourtant si misérablement faible à les protéger, n’est même pas respectée, car les préfectures qui en ont la responsabilité ferment les yeux. Pour les animaux, les cirques, c’est la maltraitance légale… à en mourir.
Muriel Arnal, présidente-fondatrice de One Voice
Premiers pas dans un futur confortable
À l’arrivée chez notre partenaire, au refuge Tonga terre d’accueil, Jon, engourdi par le trajet, entre enfin dans son enclos. Le sol est mou sous ses pattes, quelle douceur ! Son regard, étonné mais encore craintif, fend le cœur.
Une auge d’eau est à sa disposition. Mais il ne connaît pas cet objet, et le renverse. Ses pattes « grattent » et semblent vouloir déplacer l’objet, sans succès. Aucun bruit de griffe n’est audible. Soudain nous comprenons : il a été dégriffé !
C’est alors qu’il baisse la tête et prend l’auge dans sa gueule : des crissements stridents s’en échappent tant il mord fort. Ces sons reflètent son martyre. Il n’a plus de canines : toutes ses dents ont été meulées jusqu’à la pulpe. Ce furent ses premiers gestes en sortant de la cage de transport : chercher à se soulager de cette douleur lancinante.
Depuis 45 que je m'occupe de fauves, ce vendredi soir, à l'arrivée de Jon, j'ai éprouvé une immense peine et une grande honte de découvrir l'état de santé de ce lion. Comment des hommes qui prétendent aimer les animaux ne font rien pour leur assurer le minimum de bien-être ? Pourquoi les autorités n'interviennent pas avant devant un tel état de malnutrition ? J'éprouve une grande honte pour les hommes qui sont responsables de ces animaux.
Pierre THIVILLON , président de Tonga Terre d'accueil
Dégriffé, édenté, affamé...
Voilà ce qu’il a subi en plus de la faim : des mutilations définitives. Qu’elles aient été effectuées pour mieux le dominer ne fait aucun doute. À son arrivée, c’est un lion sans dents, sans griffes, sans forces, qui demeure prostré dans un coin, comme s’il avait renoncé à vivre.
La vérité est loin du boniment des dresseurs justifiant la captivité par une meilleure qualité de vie supposée dans les camions, loin des braconniers chasseurs de trophées en Afrique ! Jon est à l’article de la mort, et souffre en permanence !
Les équipes de Natuurhulpcentrum, nos partenaires belges venus nous aider pour les premiers soins, sont encore sous le choc. Jon présente des plaies ouvertes à la queue et de multiples cicatrices, la peau de son ventre pend, ses côtes sont apparentes… Qui sait quels autres sévices il a endurés ?
Je travaille depuis seize ans sur la question des animaux sauvages dans les cirques. J’ai été choqué de voir l’état dans lequel se trouve Jon. Il est extrêmement maigre. Le temps aidera à déterminer si cette maigreur résulte d’une alimentation inappropriée ou d’un problème de santé sous-jacent. Je suis ravi de le savoir aujourd’hui en lieu sûr, où ses problèmes de santé pourront être évalués et traités correctement. Nous sommes impatients de travailler avec One Voice et d’autres partenaires sur l’élaboration d’un plan destiné à le placer en temps opportun dans un établissement de soins à vie. L’état de Jon est la preuve, une fois de plus, que les cirques ne sont pas un endroit pour les animaux sauvages.
Dr. Chris Draper, biologiste, spécialiste du bien-être des animaux sauvages en captivité, Born Free
Une renaissance progressive
Les premiers jours au refuge, l’auge en métal a été remplacée par un bac fixe installé pour que Jon s’hydrate. Comme il souffre terriblement et n’a plus de dents, il est nourri de petits morceaux. Une réalimentation très progressive, en somme, car une quantité « normale » pourrait le tuer.
Il joue à présent avec joie avec la balle et les branches qui sont mises à sa disposition pour enrichir son quotidien, par une équipe aux petits soins. Il a également découvert avec curiosité son enclos extérieur ouvert sur le ciel, et senti les rayons du soleil pour la première fois sur son pauvre pelage. Sans préjuger de la suite, car il y aura de nombreuses vérifications médicales à faire, on peut déjà dire que son état s’améliore à vue d’œil.
Une audience est prévue ultérieurement, car la saisie de Jon ne préjuge malheureusement en rien de l’issue du procès. Nous nous battrons jusqu’au bout pour qu’il reste loin de l’enfer qu’il a vécu.
Quel contraste entre le scintillement et le glamour d’une piste de cirque et l'atmosphère délétère qui règne en dehors de la scène ! Au cours des quarante années durant lesquelles nous nous sommes efforcés de procurer une vie nouvelle et meilleure aux animaux, nous avons affronté beaucoup de misère. Mais rien ne peut se comparer à Jon, le lion maigre que nous avons aidé à sauver en France. Presque pas de dents, des lésions sur tout le corps et bien sûr, aucune alimentation appropriée depuis longtemps... Quelle tristesse ! Mais après son sauvetage, en voyant Jon dans son nouvel enclos temporaire à Tonga Terre d'accueil, nous avons de l'espoir. Parce qu'il se montre curieux de ce qui l'entoure, nous pensons qu'il va toujours bien mentalement. Cela prendra du temps, mais grâce à notre coopération à tous, Jon redeviendra un jour le roi de la jungle !
Sil Janssen, président et fondateur de l'ASBL Natuurhulpcentrum
10 juin 2020 - 19h05
En réponse à la préfecture de l’Eure, suite à la saisie du lion Jon
Suite à la diffusion des images du sauvetage du lion Jon, la préfecture de l’Eure a publié un communiqué de presse. Il semble pourtant que leurs services ne disposent pas de toutes les informations bien que notre première plainte contre le Cirque de Paris a été déposée en 2018… dans l’Eure.
L’association One Voice rappelle qu’elle a déposé plainte depuis le 8 octobre 2018 auprès du parquet d’Evreux pour des faits d’actes de cruauté, de mauvais traitements, de placement dans des conditions pouvant occasionner des souffrances et d’exploitation irrégulière alors que le cirque de Paris était à Saint-Marcel. Cette plainte est toujours en cours et One Voice a donc tout naturellement effectué un complément de plainte à la lueur de l’état de santé du lion qui lui a été confié. L’association n’est pas autorisée à communiquer sur l’enquête en cours.
En octobre 2018, le cirque exhibait, en plus des animaux qu’il détient habituellement, Dumba. Ses « propriétaires » la louent depuis des décennies à des cirques du monde entier et à des entreprises de l’audiovisuel. L’éléphante était, elle aussi, dans un état lamentable et nous avions également déposé plainte pour elle.
En mars 2020, quelques jours avant le confinement, l’association put constater que le cirque avait « remplacé » Dumba par Baby, elle aussi mise en location par son dresseur, que ça soit pour une promotion dans un supermarché, un mariage ou une publicité. Sous le chapiteau, elle s’exécutait, comme Dumba auparavant, sous le regard des spectateurs, inconscients de son malheur et du danger: ils étaient en effet nombreux à se faire prendre en photo auprès d’elle pendant l’entracte ou à la suivre après le spectacle jusqu’à la remorque, là encore en infraction avec la législation.
L’association One Voice découvre avec stupeur qu’une inspection a été réalisée le 27 avril 2020soit il y a un mois et demi par les inspecteurs vétérinaires de la Préfecture de l’Eure, lesquels n’ont pas remarqué l’état déplorable des animaux et notamment du lion, et pire, ont conclu à leur « apparente bonne santé« , alors même que la préfecture est seule garante du bien-être de ces animaux et par conséquent tenue de procéder à un contrôle régulier de ces établissements notamment s’agissant des enjeux de protection animale.
Le Préfet déclare que ces inspections n’ont pas vocation à déterminer si le bien-être des animaux est respecté mais qu’elles se limitent à l’apparence. On est bien d’accord et c’est précisément là où est le problème. Il faut que cela change. Ces inspections doivent inclure la protection des animaux, comme le prévoient les textes.
Quoiqu’il en soit qui peut sérieusement penser que le lion Jon avait une apparente bonne santé il y a un mois et demi ?!
15 juin 2020 - 7h20
Le tout pour le tout pour sauver les lionnes, compagnes de Jon !
Puisque l’État a failli à sa tâche de protection des animaux, notamment de Jon mais également de Hannah, Patty, Céleste et Marli, les quatre lionnes restant aux mains du dresseur, nous lui demandons des comptes et entamons une procédure en urgence pour elles !
Depuis le sauvetage de Jon, nous avons attendu, envoyé des expertises… Or voilà dix jours que rien ne bouge. On ne laissera pas les lionnes souffrir plus longtemps dans ce cirque. La préfecture semble vouloir fermer les yeux sur le danger de mort qui les guette certainement. Comment pourraient-elles être moins maltraitées que Jon par ces dresseurs sans vergogne ?
Aujourd’hui, lundi 15 juin 2020, nous déposons une requête en référé au tribunal administratif et demandons au juge d’enjoindre le préfet de retirer les lionnes et tous les animaux non domestiques de ce cirque, et qu’ils soient confiés à One Voice.
De plus, nous appelons le tribunal administratif à ordonner une expertise de bien-être, à titre subsidiaire. En résumé, si la saisie n’est pas décidée par le juge, nous réclamons la nomination d’un expert qui évalue en urgence l’état de Hannah, Patty, Céleste et Marli.
Et demain, nous déposerons également un recours en manquement devant le tribunal administratif, car nous estimons que le préfet n’a pas rempli ses obligations en matière de protection animale. Ne pas remplir celles-ci, c’est mettre les animaux en danger, puisqu’ils dépendent de lui. Les dommages et intérêts que nous demandons iront aux félins rescapés des cirques.
Il est insupportable que l’État se contente d’une apparence de bonne santé, et laisse des animaux mutilés et en grande souffrance dans les geôles des cirques. Jon était, en plus, détenu illégalement : il est interdit aux cirques de posséder des animaux sauvages qui ne participent pas aux spectacles. Pourquoi depuis deux ans la préfecture et les services vétérinaires ne sont-ils pas intervenus pour aider ces fauves ?
20 juin 2020 - 8h40
Après une première opération, Jon reprend vie
Depuis son sauvetage d’un cirque il y a deux semaines, Jon va beaucoup mieux. Il est pris en charge au quotidien par nos amis de Tonga Terre d’Accueil qui se mettent en quatre pour lui trouver des activités stimulantes, et prendre soin de lui. Nous venons de passer deux jours à ses côtés pour l’accompagner dans une opération sensible, et constater de nos yeux ses progrès.
Un lion presque en pleine forme !
En dix jours, Jon a réellement repris du poil de la bête, comme on dit. On ne voit plus ses côtes sous son pelage, et il est bien plus vif que quand nous l’avons sorti du cirque où il était exploité depuis plusieurs années. Les vingt kilos retrouvés se voient aussi au niveau de la peau de son ventre, à présent un peu plus rebondi. En si peu de temps, ses progrès sont radicaux, preuve que sa cachexie avancée n’était en rien due à l’âge ou à une maladie, mais qu’il était bel et bien affamé à mort par le propriétaire du cirque.
Sa prise de poids rapide prouve qu’il mourait de faim
Timide au départ, la découverte de la partie extérieure de son enclos de convalescence a transformé Jon. À présent, il joue chaque jour avec des choses différentes, disposées çà et là par l’équipe de Tonga Terre d’accueil pour lui faire retrouver goût à la vie. Un jour c’est une grosse balle, un autre des souches ou encore un tronc reposant sur des pieds en bois. Summum du mystère pour stimuler ses sens : des épices saupoudrées par endroits dans l’enclos, qui le font fouiller le sable, retourner les morceaux d’écorce à l’affût de la source de cette odeur alléchante ou repoussante, mais toujours intrigante. Signe supplémentaire qu’il a repris confiance : en arrivant, il s’urinait dessus, mais maintenant il le fait sur les murs (intérieurs et extérieurs !) pour bien marquer son territoire partout.
Un lion mutilé enfin soigné
Aujourd’hui, Jon creuse, joue, vocalise de plus en plus et mange comme un glouton, à vitesse grand V. Le vétérinaire a donc estimé que son état permettait de l’endormir jeudi 18 juin, pour soigner sa queue, sur laquelle nous avions constaté de nombreuses plaies. Lors de l’intervention sous anesthésie générale qui s’est parfaitement déroulée, le vétérinaire a dû lui en enlever une partie afin de pouvoir faire une suture propre.
À cette occasion, il a été vérifié et confirmé ce que nous avions constaté dès le premier jour : l’absence de griffes aux pattes avant. Ses dents ont également fait l’objet d’une inspection poussée : toutes sont coupées à ras, et l’un des crocs est totalement creux, renfermant de nombreux déchets alimentaires putréfiés… Tous les morceaux devenus noirs ont été extraits. Mais il faudra absolument qu’il soit à nouveau opéré, pour les dents cette fois, par un spécialiste. Elles devaient le faire intensément souffrir, ce qui explique qu’il passe son temps à mordre des choses.
Jon retrouve goût à la vie !
Jeudi au réveil de l’anesthésie, Jon s’est jeté sur la nourriture mise à sa disposition, avant de faire une petite sortie pour dormir sur le dos, ventre offert aux rayons du soleil. En quelques heures il était requinqué. Certes, il garde les stigmates de sa vie d’itinérance. Mais nous avons bon espoir qu’avec une vie loin du camion et des dresseurs violents, et avec la disparition de ses douleurs dentaires chroniques, ses mouvements stéréotypés et l’automutilation cesseront.
Ce lion qui était, il y a encore peu dans une très grande souffrance, panse ses plaies sous notre aile protectrice. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que ses compagnes Hannah, Patty, Céleste et Marli le rejoignent au plus vite.